Dans le camp de réfugiés grouillant d’Ain el-Hilweh, les tensions politiques rallument les souvenirs des massacres de Palestiniens par les milices chrétiennes d’extrême droite pendant la guerre civile de 1975 à 1990.
« Aucun de ceux qui ont perpétré ces crimes contre nous ne sont passés en jugement et ce n’est qu’au moment où ils seront poursuivis que nous rendrons nos armes. Avant cela nous n’avons aucune garantie » dit Aloul, un ancien guerrier qui a défendu le camp à la fois contre les milices libanaises et les attaques israéliennes.
La crainte parmi les habitants est qu’ils deviennent des boucs émissaires pour les tensions concernant la présence des forces syriennes au Liban. Le Liban et la Syrie sont tombés d’accord lundi que les forces syriennes soient redéployées à l’Est du Liban avant de se retirer complètement.
« Nos vieux ennemis libanais vont retourner leurs frustrations contre nous et dire encore une fois que nous détruisons le pays. Quoiqu’il arrive, ils nous accuseront de tous les maux » dit Aloul, qui appartient au Fatah, la faction dominante du camp qui est le plus important parmi les 12 autres répartis dans le pays.
D’autres craignent que la fin de la présence militaire syrienne au Liban ne déstabilise le Liban et n’attire les Palestiniens dans de nouveaux conflits.
« Je crains qu’une guerre civile ne surgisse et c’est notre droit de nous défendre afin que les massacres ne se répètent pas comme dans le passé » dit Faris Sabea au milieu des centaines de jeunes armés du le camp.
« J’ai vu Shatila de mes propres yeux, les têtes coupées et les femmes tuées de sang froid » dit Sabea. Il avait 13 ans au moment ou il a survécu aux massacres de 1982 dans les camps de Sabra et Shatila de Beyrouth, camps dans lesquels des milliers de réfugiés palestiniens ont été massacrés par les milices chrétiennes soutenues par les forces d’occupation israéliennes.
Quelques 350.000 réfugiés palestiniens sont enregistrés au Liban. Ils font partie de la diaspora qui s’est étendue à travers le Moyen Orient quand ils ont perdus leurs foyers au moment de la création d’Israël.
Pression internationale
Le problème des armes à l’intérieur des camps a ressurgit alors que le Liban est sous pression pour désarmer toutes les milices en accord avec la résolution 1559 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. « Tous les états arabes sont devenus des barrières de sécurité pour Israël. Avant que les juifs ne nous tuent au Liban c’était les arabes qui le faisaient » dit Abdullah Safoun (50 ans) un ancien du camp.
Les cicatrices d’explosions de mortier et de balles marquent encore les façades des bâtiments du camp qui s’étale à une heure de voiture de la frontière israélienne. Les habitants du camp disent qu’ils se sentent de plus en plus indésirables, regardés par beaucoup avec hostilité.
« Chaque fois qu’il se passe quelque chose dans le pays, l’état libanais aggrave son harcèlement » dit Jamal Taha (36 ans) un commerçant.
Ils racontent l’augmentation des harcèlements par les soldats libanais ces dernières semaines, soldats qui gardent les entrées du camp qui ressemble à une prison avec son fil de fer barbelé et encerclé par des tanks.
« Vous pouvez passer une demi-heure à un check-point pendant qu’on vérifie votre carte d’identité. Ils gardent des fois des jeunes pendant des heures avant de les relâcher » raconte Ibrahim Sameh un mécanicien de 28 ans.
« Nous vivons assiégés. Nous étouffons à l’intérieur du camp ; C’est une grande prison » dit Iyad Syed, un charpentier de 24 ans.
Le Liban leur refuse la citoyenneté, les droits de propriété et de travail, craignant que les réfugiés ne s’installent définitivement au Liban.
« Mon rêve est de retourner en Palestine. Mon futur ici est perdu » dit Yasser Abu Layla (18 ans) en étreignant son arme qui, dit-il, est une source d’orgueil au milieu de la pauvreté et la dépossession.